Avec finesse et humanité, Francesca Melandri nous plonge dans une page d’histoire de l’Italie, celle des années 70 surnommées « les années de plomb ». Aldo Mauro a été enlevé, ensuite assassiné par les Brigades Rouges ; la révolte politique gronde et les emprisonnements succèdent aux actes de terrorisme.
C’est dans ce contexte que deux parents de prisonniers venus les visiter sont bloqués par la tempête sur une île-prison pendant 2 jours. Paulo, ex- enseignant en philosophie, vit très difficilement les attentats perpétrés par son fils « au nom d’un monde meilleur », celui qu’il proposait à son fils et à ses étudiants. Accablé de culpabilité, il ne peut s’empêcher de se sentir l’instigateur de tels actes qu’il réprouve. Luisa, mère de famille toute dévouée à ses enfants, fait tout pour oublier la violence et les crimes de son mari, jusqu’à compter sans fin les choses qui l’entourent pour ne pas penser…
Par hasard, ils se retrouvent là, et ce moment mal venu de prime abord, au cœur des éléments déchainés, se transforme doucement en un moment d’éveil et de rencontres. Rencontre avec le personnel du monde carcéral et leurs familles, rencontre avec l’autre et grâce à cela, rencontre avec soi. Cet enfermement involontaire sur l’île devient pour Luisa et Paulo un moment libératoire qui leur permet d’aller enfin de l’avant.
Si les personnages sont souvent sans voix – les vécus ne pouvant se dire autrement que par le rire compulsif ou par les larmes-, l’auteure, elle, trouve à chaque page les mots justes pour exprimer l’indicible de leur ressenti.
J’ai aimé :
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La poésie du texte
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L’authenticité de chaque personnage, y compris du maton
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Le huis-clos par lequel on se laisse absorber malgré le contexte hostile
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Les descriptions de la nature qui font penser à des tableaux
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Le regard sur le monde carcéral, cette fois du point de vue des proches
Je n’ai pas aimé :
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Devoir choisir des extraits. Impossible. Lisez cette perle sans attendre. Mon coup de cœur de 2016.
Combien de fois n’avait-il pas désiré mettre entre lui et son fils un mur, un fossé, une mer, un océan, une distance sidérale, n’importe quoi, pour ne plus en entendre parler. Il ne pouvait se sentir meilleur parce que, à la différence de l’autre (père), il avait surmonté ça.
Le gardien était mort trois jours plus tard. C’est pour ça qu’on avait mis le mari de Luisa sur une île. Car si l’on veut garder vraiment quelqu’un à l’écart du monde, il y a pas de mur plus haut que la mer.