Petit pays de Gaël Faye, c’est le Burundi, ce petit pays d’Afrique centrale en dessous du Rwanda, qui a souffert de la guerre, des conflits ethniques, de la cruauté, de la violence.
Petit pays, c’est le Burundi vu à travers le regard d’un enfant de dix ans, Gaby, le narrateur.
Petit pays, c’est aussi le Burundi de l’auteur de ce roman dont on comprend l’inspiration autobiographique.
Petit pays, c’est l’histoire d’exils, de séparations, de déchirures multiples.
Et puis il y a l’exil physique, le départ pour la France, loin de son lieu de naissance.
Toute la tension du récit se trouve dans cet écartèlement entre deux mondes auxquels il se sent pleinement appartenir et qu’il ne peut choisir. Je tangue entre deux rives, mon âme a cette maladie-là. Des milliers de kilomètres me séparent de ma vie d’autrefois. Ce n’est pas la distance terrestre qui rend le voyage long, mais le temps qui s’est écoulé. J’étais d’un lieu, entouré de famille, d’amis, de connaissances et de chaleur. J’ai retrouvé l’endroit mais il est vide de ceux qui le peuplaient, qui lui donnaient vie, corps et chair. Mes souvenirs se superposent inutilement à ce que j’ai devant les yeux. Je pensais être exilé de mon pays. En revenant sur les traces de mon passé, j’ai compris que je l’étais de mon enfance. Ce qui me paraît bien plus cruel encore.
J’ai aimé :
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La montée en puissance du roman.
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Le rythme des phrases. Gaël Faye écrit comme il compose sa musique, ses textes de rap : un flow nous imprègne des couleurs, des goûts, des rythmes, des drames de l’Afrique avec de justesse, douceur et gravité.
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Lire un roman sur cette page d’Histoire par le biais de Gaby qui, sans juger, nous décrit comment l’intolérance et la haine se sont imposées dans sa vie, la manière dont la situation au Burundi dégénère, mais aussi le changement de comportement de sa famille, de ses amis, l’abandon du reste du monde face à cette escalade de violence.
Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s’y sont pas noyés sont mazoutés à vie.
– Un livre peut nous changer ?– Bien sûr, un livre peut te changer ! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis.
Cet après-midi-là, pour la première fois de ma vie, je suis entré dans la réalité profonde de ce pays. J’ai découvert l’antagonisme hutu et tutsi, infranchissable ligne de démarcation qui obligeait chacun à être d’un camp ou d’un autre. Ce camp, tel un prénom qu’on attribue à un enfant, on naissait avec, et il nous poursuivait à jamais, Hutu ou tutsi.…La guerre, sans qu’on lui demande, se charge toujours de nous trouver un ennemi. Moi qui souhaitais rester neutre, je n’ai pas pu. J’étais né avec cette histoire. Elle coulait en moi. Je lui appartenais. L’enfance m’a laissé des marques dont je ne sais que faire. Dans les bons jours, je me dis que c’est là que je puise ma force et ma sensibilité. Quand je suis au fond de ma bouteille vide, j’y vois la cause de mon inadaptation au monde.
Je n’habite plus nulle part. Habiter signifie se fondre charnellement dans la topographie d’un lieu, l’anfractuosité de l’environnement. Ici, rien de tout ça. Je ne fais que passer. Je loge. Je crèche. Je squatte. Ma cité est dortoir et fonctionnelle …