Connaissez-vous la peintre française Fabienne Verdier ? Si oui, vous serez intéressé par ce récit autobiographique qui retrace les origines de son art si personnel. Si non, je vous invite à le lire pour rencontrer une femme de caractère qui a vécu dix ans en Chine pour s’initier à l’art de la calligraphie.
Non satisfaite des cours qu’elle suit (et réussit brillamment ) à l’Ecole des Beaux-arts de Toulouse et stimulée par ses professeurs, Fabienne Verdier reçoit une bourse et choisit de continuer son apprentissage à l’Institut des arts de Chongqing, au pied du Tibet. En quête d’une autre réalité artistique, elle se trouve confrontée à la dure réalité du système politique chinois : la Révolution culturelle a fait table rase du savoir-faire et de l’art traditionnel ancestral et les jeunes sont formés à produire des œuvres de propagande socialiste et d’exaltation du peuple travailleur. Les conditions de vie sur le campus sont rudes et sommaires et s’apparentent à celles d’une prison mais Fabienne tient bon. Seule européenne, elle est isolée au départ et est surveillée en permanence. Toujours en quête des secrets de l’art chinois, elle s’arrange pour rencontrer plusieurs professeurs mis à la retraite sans la moindre reconnaissance pour leurs talents ; l’un d’eux deviendra son maître pendant dix ans : Huang Yuan.
Avec lui, elle apprend le dépouillement de soi pour atteindre sa vérité intérieure. Huang Yuan lui explique aussi « le lien entre l’acte de création de l’homme et l’acte de création de la nature » et l’initie à la recherche de l’harmonie , non dans les extrêmes , mais dans la complémentarité et le juste milieu. Ces années seront décisives pour son élan de vie et pour l’expression de son art en perpétuelle recherche (de retour en France, elle se penche plus tard sur les Primitifs flamands et à la suite d’ une expérience d’artiste en résidence à la Juillard School, elle vient d’ exposer des œuvres réalisées à l’écoute en live de musiques contemporaines.
J’ai aimé:
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ce témoignage tangible et concret sur la vie en Chine dans les années 1980/90
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les très belles pages du voyage initiatique qu’elle fait avec son maitre au Tibet
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la réflexion sur le chemin de patience et de persévérance si nécessaire pour trouver la paix intérieure
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la relation qu’elle noue avec son maître : apprentissage de l’humilité, confiance réciproque, partage de savoirs multiples (même si certains déploreront quelques longueurs dans la description de l’art de la calligraphie)
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suivre le parcours ardu et déterminé de cette femme qui a tout lâché pour toucher à l’essence de son art
Je passais aussi de longues journées chez lui, à compulser des livres de reproductions ou des estampes de calligraphies anciennes. C’était une autre partie de l’ enseignement. Il voulait entrainer mon regard, m’apprendre à savoir parler des traits. (…) Heureusement, nos séances incluaient le rituel du thé, où il sortait son pot de miel pour sucrer l’eau chaude, ce qui était un grand luxe ; la récréation consistait à faire la causette aux oiseaux.
Il a fallu que je vienne en Chine pour voir ce qu’est une tragédie.
Ce sentiment d’union avec l’univers et sa beauté, je tente de le transmettre par mes toiles. Pour beaucoup, il y a le monde de l’art et, de l’autre celui de la vie quotidienne ; le monde idéal, mais artificiel, opposé à la dure réalité. Je voulais réaliser l’adéquation des deux. Ma peinture n’exprime pas la volonté de rivaliser avec d’anciens maitres ni de s’imposer aux autres, mais un désir de volupté, de béatitude, un refuge contre la tristesse, le plaisir procuré par les beaux paysages qui, depuis mon enfance, m’ont apporté les moments les plus intenses de joie et de paix.