Si l’on vous dit Van Gogh, vous penserez surement comme moi à oreille coupée, peintre maudit ou encore suicide. Savez-vous pourtant que le suicide de Vincent Van Gogh a été contesté à plusieurs reprises, même si cette version plait à certains car elle renforce cette idée de l’artiste maudit ? Un mystère plane donc autour de la mort du peintre…
A travers son roman, Jean-Michel Guenassia nous offre son interprétation des derniers jours de Van Gogh en donnant la parole à Marguerite, fille du docteur Gauchet, mécène connu à l’époque et qui a longtemps échangé des conseils médicaux contre des toiles d’artistes prometteurs.
Outre l’histoire de ce peintre et de la relation amoureuse qu’il entretient avec Marguerite, ce roman propose un vrai tableau de la condition féminine de l’époque. Les femmes ne sont que des objets à la merci des hommes et doivent se contenter d’obéir à ceux qui pensent pour elles : père, frère, voisin, mari. Et Marguerite, dans ce monde étriqué, rêve d’ailleurs, d’indépendance, et refuse de se soumettre aux règles de son père, ce qui ne sera pas sans conséquences…
J’ai aimé :
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Lire ce roman avec les tableaux de Van Gogh en tête. Les mots imagés de Guenassia évoquent sans peine la peinture de cet artiste impressionniste.
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Les extraits de presse ou de correspondances de Van Gogh qui enrichissent le récit et permettent tant à l’auteur d’ancrer sa fiction dans le réel qu’au lecteur de mieux appréhender la société du 19e siècle.
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Retrouver au fil des pages les artistes de ce siècle en pleine mutation : Zola, Gauguin, Baudelaire, Cézanne, Manet…
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Les réflexions sur l’art, les canons de la beauté, la quête de modernité qui parsèment le roman.
Ses tableaux n’étaient pas forcément beaux au sens où on l’entendait à cette époque, mais ils étaient d’une puissance et d’une nouveauté qui allaient créer une autre beauté et renvoyer les autres dans les poubelles de l’art.
Quand je repense à cette époque, je me dis que nous vivions sur une autre planète, dans un monde qui n’a strictement rien à voir avec celui dans lequel nous évoluons aujourd’hui ; malgré sa rudesse apparente, et cette brutalité qui nous effrayait tant, notre société était autrement plus humaine que celle de notre temps, si policée, si courtoise, mais ô combien hypocrite. Des mots qui jalonnent aujourd’hui nos conversations n’avaient aucun sens : guerre mondiale, génocide, bombe atomique ne voulaient rien dire pour nous ; la plus cruelle des guerres du passé avait fait moins de morts qu’une seule journée à Verdun. Nous étions tous persuadés que l’avenir serait radieux, que le passage au XXème siècle ouvrirait pour l’humanité une période de paix et de bonheur, que la science, les progrès de la médecine allaient régler nos problèmes et nous faire entrer dans un âge d’or. Naïfs que nous étions ! Comment avons-nous pu être aveugles à ce point ? Nous étions au bord du précipice, et nous avancions les yeux fermés, avec gaieté et inconscience.
Lettre de Vincent à Théo : Plus j’y réfléchis, plus je sens qu’il n’y a rien de plus réellement artiste que d’aimer les gens.
Je vous conseille également chez cet auteur : Le club des incorrigibles optimistes.