Vous n’aurez pas ma haine (Antoine Leiris). Quel message se cache derrière ce titre : une accroche commerciale ? Une litote pour exprimer de l’amour ? Un message naïvement catho pour tendre l’autre joue ?
Rien de tout cela. L’expression d’un homme blessé à vif par la perte de son épouse dans l’attentat au Bataclan à Paris et qui refuse de céder à la haine. Dans ce témoignage, Antoine Leiris s’adresse aux terroristes pour leur dire que la vie et la liberté valent tellement plus que la peur et la haine et qu’ils n’auront jamais le dernier mot. Ni en France ni en son for intérieur.
Où trouve-t-il cette force pour écrire ainsi au lendemain de cette déchirure ? Dans la vie donnée par son épouse à ce petit garçon de dix-sept mois qui a besoin de lui au quotidien de ses siestes, de ses repas ou encore de leurs petites sorties au parc. Cet enfant est pour lui une bouée de sauvetage dans l’horreur de ces heures noires , une bouffée d’oxygène dans la compassion –toute bienveillante qu’elle soit- qu’il reçoit et parfois subit de la part de son entourage.
Alors non , il n’a pas de temps à consacrer à ceux qui ont saccagé son nid. Il décide plutôt de choisir la vie et d’écrire ce message de résistance. Pour lui-même mais aussi pour que son fils ne soit pas un jour animé par des sentiments d’animosité et tenté par la riposte, la vengeance.
Antoine Leiris, ce jeune journaliste, est un très grand Monsieur. Avec énormément de pudeur, il nous raconte leurs premiers jours sans Hélène – Maman. Malgré sa douleur si prégnante, il nous appelle à vivre, à résister.
Pour nous.
Pour nos enfants.
Au nom de la liberté.
J’ai
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été touchée par le respect de la famille d’ Hélène face au deuil de l’époux
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été émue par les mots qu’il prête à son fils Melvil lors de la lecture d’une lettre pendant le service d’Hélène
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été interpellée par la difficulté d’avoir une présence juste auprès de personnes en souffrance
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admiré la force de vie et la tendresse de ce récit
Bien sûr, avoir un coupable sous la main, quelqu’un sur qui l’on peut reporter sa colère, c’est une porte entrouverte, une occasion d’esquiver sa souffrance. Et plus le crime est odieux, plus le coupable est idéal, plus la haine est légitime. On pense à lui pour ne plus penser à soi, on le déteste lui pour ne pas haïr sa vie, on se réjouit de sa mort pour ne plus sourire à ceux qui restent.
Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus forts que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. ( …) Toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus.