Survivre, grâce à la musique durant une enfance qui, sans elle, n’est que souffrance physique et rejet familial, trouver sa place au monde à l’âge de 21 ans par la révélation d’une profession musicale que ni le handicap ni le scepticisme des autres ne peuvent déjouer, comprendre qu’au-delà d’une « recherche de normalité » à travers cette réussite, la musique est « comme l’amour » et qu’elle a sa place à côté de la souffrance humaine causée par la maladie, la guerre ou une catastrophe naturelle, tel est le parcours personnel de Luis au fil des années et des rencontres qui lui permettent progressivement de se révéler à lui-même.
A 80 ans, il soulève, au départ avec peine, les divers pans de son histoire pour raconter « sa vérité » à une jeune documentariste venue inteviewer le grand maestro en fin de parcours.
Ce très beau roman, certes avec parfois un peu de longueurs, nous livre une réflexion pertinente et très fouillée sur la musique et tout son monde : enseignement dans nos conservatoires, question de l’interprétation, musique classique vs de jazz ou populaire, … Il nous touche aussi par son regard sensible sur le handicap et la difficulté pour un être différent de trouver sa place au monde. Cette souffrance, quand elle est transcendée par la volonté, donne une force extraordinaire. Encore faut-il trouver cette étincelle en soi.
Mélomane, j’ai aimé,
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vivre au conservatoire au côtés de Luis et suivre les leçons de tous les instrumentistes
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connaitre la vie d’un orchestre de l’intérieur
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lire les pensées d’un artiste plus que d’un technicien de la musique
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réfléchir sur l’actualité de toute œuvre, car elle est toujours jouée dans un lieu et un temps précis, par un groupe de musiciens et devant un public particulier
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entendre, comme si j’étais au concert, les différents concertos ou symphonies menés par la baguette de Luis et la plume de Frédérique Deghelt.
La vie n’a rien à voir avec ce qu’on veut en faire, rien à voir avec ce que les autres veulent qu’on en fasse. La vie est à l’intérieur de soi, tapie comme une évidence, recroquevillée au fond de l’océan. La vie est à la portée de notre émotion, il suffit de s’en saisir.
Autant dire que je ne faisais pas le poids ; je n’avais ni le charisme, ni le physique, ni même le désir d’être ce genre de chef. Finalement, je ne pouvais qu’ offrir à mes musiciens mon amour de la musique, mon oreille affûtée, que certains qualifiaient d’infaillible, et mon aspiration à les mener au plus juste, tant j’étais convaincu que l’art véritable tend, non pas vers la beauté, mais vers l’absence de but. Je leur proposai donc ça : juste la musique comme elle est ; c’est-à-dire la musique comme nous pourrions être nous-mêmes si nous épousions parfaitement son expression intime.
Mais je ne considère pas avoir réussi quelque chose malgré le handicap. On ne fait rien malgré, on fait tout grâce à… Seule la grâce élève et perpétue.