Cette année, mon été fut long et varié. De moments familiaux riches en belles émotions en voyages tantôt au ralenti près de chez moi, tantôt à l’autre bout du monde, j’ai vécu à des rythmes différents et mes lectures pourraient très bien en être le reflet. Voici quelques idées de livres.
Inhumaines de Philippe Claudel
J’ai commencé par un livre choc et quelque peu monstrueux : Inhumaines de Philippe Claudel. S’il fallait définir cet auteur par un mot, je dirais éclectisme * (Caractère de quelqu’un qui s’intéresse à des choses ou des êtres très divers, qui a des connaissances en des domaines très variés sans manifester aucune exclusive.) Si vous passez de son roman de 2016 L’arbre du pays Toraja à celui-ci, vous comprendrez. Ce « roman de moeurs contemporaines », tel que le sous-titre l’auteur, dénonce crument, sans tabou ni morale les opinions et le mode de vie de l’homme d’aujourd’hui. Inhumaines, ces séquences satiriques à l’humour grinçant sur autant de thèmes que ceux du rapport à la sexualité, de la définition de l’art contemporain, des couples mixtes (et pas ceux que vous croyez), de la culture d’entreprise, de la violence et du terrorisme et j’en passe ? Peut-être pas tant que ça à y regarder de plus près, surtout quand on connait la finesse d’analyse de l’auteur. Mais doit-on craquer de désespoir face à cet horrible tableau noir ou chercher dans nos vies les preuves que, oui, il est encore possible de croire en l’humanité de l’homme ? A chacun son avis.
Célébration du quotidien de Colette Nys-Mazure
Je suis passée alors à un tout autre genre – en lien avec une semaine de marche en pleine nature – : Célébration du quotidien de Colette Nys- Mazure. Un classique mais que l’on reprend à tout âge et qui nous invite à cueillir et goûter les petits bonheurs de chaque jour car c’est grâce à eux que nous apprécions le Bonheur avec un grand B.
Poétesse, chrétienne, membre de l’Association des Écrivains belges de Langue française, l’auteure nous sort de la routine, où « bien souvent nous sommes absents à nous-mêmes. » Nos cinq sens n’attendent qu’à être aiguisés et notre vie à être pleinement vécue.
Tant de femmes dorment au soleil
qui se réveillent à l’automne,
transies, effeuillées ;
auront beau crier au voleur,
au jeu de dupes !
C’était hier le risque du printemps.
La femme qui fuit de Anaïs Barbeau-Lavalette
J’ai lu ensuite, assise au creux de mon jardin, La femme qui fuit d’Anaïs Barbeau-Lavalette. Reçu d’une amie romaniste, je savais en le commençant que je lirais un livre sur une page d’histoire littéraire et aussi sur la difficulté d’être femme. Cerécit écrit d’après une histoire vraie raconte la vie de Suzanne Meloche, née à Ottawa en 1926. Cette femme ne se sent bien nulle part, toujours animée de ce douloureux sentiment d’étrangeté au monde. L’art des mots, elle le possède depuis son enfance et c’est ce qui l’amène plus tard à présenter un concours d’éloquence qu’elle remporte et qui lui ouvre les portes d’un groupe de jeunes intellectuels en rejet de tout formalisme. Avec eux, elle signe un manifeste « Le refus global ». Après avoir mis au monde deux enfants, elle se sent à nouveau étouffer et décide de quitter ses petits et de les faire adopter pour retrouver sa liberté. Cet acte fort ne la rend pas plus heureuse.
Outre l’intérêt d’en savoir plus sur ce courant artistique automatiste canadien, la personnalité de cette femme interpelle. Sa fille abandonnée et blessée ne peut la comprendre mais sa petite-fille (celle qui écrit ce récit) livre quelques clés sur cette femme révoltante et révoltée, insatisfaite en permanence et toujours en quête existentielle. Ce texte, elle l’écrit à sa grand-mère, lui parlant en « tu » et se mettant dans sa peau pour essayer de la cerner. Cela rend l’écriture d’autant plus attachante.
Tu sais aussi que ces gens-là te redonnent le gout de l’autre.
Tu étais une île, et tu sens que tu as peut-être un pays.
Le nouveau nom de Elena Ferrante
Après, j’ai lu le deuxième tome de L’amie prodigieuse, Le nouveau nom. Si vous êtes en retard et que vous avez attendu plus d’ un an pour vous replonger dans le monde d’Elena et de Lila, pas de souci, vous les retrouverez très facilement. A 17 ans, l’une est déjà mariée, l’autre est encore aux études. Deux mondes différents mais des relations toujours aussi paradoxales et complexes.
Je ne le cacherai donc pas, j’ai eu une impression de déjà lu lors des premières pages, mais très vite, j’ai compris que les voix avaient changé : ce sont deux jeunes femmes –et non plus des fillettes- qui posent un regard lucide sur ce monde napolitain du milieu du 20e siècle. Difficile alors de lâcher le livre car la vie d’une (trop) jeune mariée est aussi pénible et interpellante que le sentiment d’étrangeté éprouvé par une étudiante brillante tant dans son propre milieu populaire qui la rejette que dans le milieu intellectuel qu’elle fréquente en raison de ses études. Ferrante pose ici une problématique supplémentaire, celle de l’ascension sociale et de l’intégration dans un milieu différent du sien.
J’ai envie de lire la suite dans le 3e tome sorti en janvier 2017. J’attendrai juste qu’il soit imprimé en format poche J. L’été prochain ?
Le dernier des nôtres de Adélaïde de Clermont-Tonnerre
J’ai profité enfin d’un voyage à l’étranger et… des vacances de notre blog, sorry,… pour lire un livre déjà présenté par ma co-blogueuse : Le dernier des nôtres de A. de Clermont Tonnerre. Je partage pleinement son avis : une trame plutôt classique aux chutes trop souvent cousues de fil blanc ou à l’eau de rose et un style littéraire dont l’attribution du prix de l’Académie française étonne ou déçoit. Outre les sujets à propos de la seconde guerre mondiale déjà si souvent abordés comme celui de la violence dans les camps de concentration, la difficulté d’en sortir ou encore le besoin de vengeance, on aurait aimé qu’un autre angle soit présenté. Comme par exemple, les difficultés psychologiques ressenties par un enfant de la guerre comme le « dernier des nôtres » lorsqu’il lève le voile de ses origines mystérieuses. Par contre, on ne peut nier que ce livre tient en haleine et comme nous,si vous l’ouvrez, vous le lirez d’une traite. C’était le moment parfait pour le dévorer.
Pour terminer…
Ce n’est pas mon dernier livre mais je voudrais profiter d’une de nos prochaines parutions hebdomadaires pour vous présenter plus amplement deux autres titres : Article 353 du Code Pénal de Tanguy Viel et Défaite des maitres et possesseurs de Vincent Message.
Au plaisir de vous retrouver bientôt pour des nouvelles idées de livres !
PS: Je ne peux résister à l’envie de vous rappeler un autre livre lu cet été : Continuer de Laurent Mauvignier paru aux Editions de Minuit. Un tel coup de cœur que je vous l’avais directement proposé sur notre blog.