En avril 2000, Sylvain Côté se suicide, sans laisser d’explication. Ce roman polyphonique de Marie Laberge s’orchestre autour du « pourquoi » de ceux qui restent, ces êtres qui entouraient Sylvain : femme, fils, père, mère, maitresse. Tous essayent de comprendre ce geste fatal qui a eu, et qui continue à avoir des années plus tard, une conséquence bouleversante sur leur propre vie.
Chaque chapitre correspond aux pensées d’un des personnages du roman. A tour de rôle, nous rentrons dans les pensées de Charlène, la maitresse de Sylvain, qui continue à lui parler depuis son comptoir ; de Mélanie-Lynn, sa femme, qui s’accroche désespérément à son fils à qui elle cache le secret du suicide de son père ; de Vincent, son père, qui tente de se réconcilier avec la vie, et de Muguette, sa mère, qui sombre dans la folie. A chaque personnage correspond un style différent qui fait écho à son propre caractère. Ainsi, les mots de Charlène sont pleins de vie et bousculent les habitudes, les a priori, ceux de Vincent sont équilibrés et tentent d’expliquer ce qu’un père peut ressentir quand il apprend que son enfant s’est ôté la vie, Mélanie-Lynn s’exprime avec maladresse, comme les tentatives de marques d’amour qu’elle donne à son fils et Muguette qui s’éloigne petit à petit de la vie parle avec distance.
Si le sujet est noir, le livre ne l’est pas et Marie Laberge nous entraine dans un tourbillon d’émotions et de sentiments : la tristesse, le deuil, la colère, le désespoir, l’amitié, l’amour, l’errance et enfin l’espoir. Les trajectoires se recoupent et nous voyons naitre des amitiés impensables ou exploser des relations sous le poids de ce terrible événement. Finalement, c’est la vie qui triomphe des tragédies.
J’ai aimé :
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- Rentrer dans la peau des différents personnages à chaque chapitre.
- Retrouver avec joie Charlène, soupirer sur la maladresse de Mélanie-Lynn, être touchée par la bonhommie de Vincent, étonnée par le comportement du fils de Sylvain, agacée par Muguette.
- Découvrir une langue colorée qu’est le français du Québec. Il faut un peu de temps pour s’y habituer mais après c’est un vrai ravissement.
- L’espoir qui habite les pages du roman malgré un sujet difficile.
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On a ri ensemble, on a baisé, on a niaisé… si t’allais pas bien, t’as jamais pensé que ça pouvait se régler ? C’est quoi le problème qui est assez gros pour qu’on se tue à cause de lui ? Même ceux qui se font dire qu’y vont mourir, y se dépêchent pas de se tuer. Ça t’a pris de même, en sortant d’ici ? Tu t’es dit, tiens, je vas écœurer tout le monde, je vas aller me pendre ? Charlène.
Le silence fait mal. Ca macère, ça forme des caillots. Ça tue. Sylvain s’est tué parce qu’il s’est tu. Vincent Côté.