Avec La salle de bal, Anna Hope signe un excellent deuxième roman. Plus sombre que son titre ne le laissait imaginer, le roman nous plonge au cœur d’un asile du Yorkshire en 1911 et lève le voile sur ce monde effrayant. Comme dans Le chagrin des vivants, l’auteur s’attache à décrire un pan caché et tabou de la société anglaise du début du XXe siècle.
Les trois voix de Ella, John et Charles s’alternent pour décrire la vie dans cet asile. Ella rejoint le pavillon des femmes pour avoir, dans un accès de révolte et de désespoir, cassé une vitre dans son atelier de filature et n’y ressortira que très rarement. En effet, les femmes s’occupent des travaux d’intérieur tandis que les hommes travaillent dehors. C’est ainsi que John, paysan irlandais mélancolique, cultive la terre et creuse des tombes. Ils se rencontrent lors des bals organisés tous les vendredis pour les patients les plus méritants. Charles, jeune médecin, est en effet persuadé des bienfaits de la musique sur l’état de ses malades. Ambitieux, il veut moderniser l’asile et s’intéresse de très près à la théorie de l’eugénisme.
Avec l’Histoire en arrière-plan, la crise industrielle, la pauvreté, la violence, on assiste, bouche bée, à ce débat sur le contrôle des faibles d’esprit. Très en vogue à l’époque – et notamment très appréciées de Churchill – les théories de l’eugénisme se développent : certains prônent la ségrégation des faibles d’esprit, d’autres, la stérilisation ; beaucoup semblent certains que la maladie mentale serait une tare héréditaire des classes laborieuses. Charles est convaincu et veut faire de son asile, un lieu qui testera ces méthodes.
J’ai aimé :
- la construction du récit et la montée en puissance du roman.
- les personnages secondaires très bien développés qui complètent les personnages principaux.
- la plume d’Anna Hope, légère et efficace, qui émeut, captive, distille de l’espoir dans les moments les plus sombres.
A quel point la beauté de la vie et du monde le frappait comme une fièvre parfois, mais à quel point tout était entaché par la haine.
Pourquoi ? C’est quoi, ta façon d’être ?
– Toute de travers, répondit Clem avec un sourire fugitif. Je suis toute de travers. »
Contrairement à la musique, il a été démontré que lire à l’excès était dangereux pour l’esprit féminin. […] Si un peu de lecture légère ne porte pas à conséquence, en revanche une dépression nerveuse s’ensuit quand la femme va à l’encontre de sa nature.